Derrière le mot barbare de storytelling qu’on entend parfois dans l’univers de la photo se cache une idée simple : raconter une histoire.
Une photo raconte une histoire. Voilà, vous savez tout, il était bien cet article n’est ce pas!?!
Il parait évident qu’une photo raconte la chose qu’elle montre. Pourtant, quand on y réfléchi, ce n’est pas toujours le cas. Ou à différents degrés. La photo d’un objet peut raconter l’histoire du savoir-faire qui l’a créé. Mais généralement elle montrera simplement à quoi il ressemble. Pourquoi alors parler de storytelling ?
Parfois le storytelling se fera sur plusieurs images (une série), mais je m’attarderai plutôt sur celui contenu dans une seule photo, qui me semble plus difficile. Et dans ce cas, une unique photo doit pouvoir se suffire à elle-même pour raconter quelque chose.
Quel est le but du storytelling en photo ?
Une photo a-t-elle besoin de raconter une histoire pour être belle ? je crois que non. On ne compte pas le nombre de photos de paysages qui sont tout simplement sublimes alors qu’elles n’illustrent pas une plus folle histoire que celle d’un soleil se couchant sur une mer calme ou d’un château posé sur une montagne.
Une photo racontant une histoire est elle forcément belle ? je crois que non. Déjà parce que l’histoire contée peut être moche. Ensuite et surtout parce que c’est une question de goûts. Et d’éducation du regard.
A mon sens, ca dépendra du but recherché par le photographe et de son intention créative. Le photographe de reportage dont l’intention sera de documenter une activité aura tout intérêt à immortaliser cette activité en intégrant du storytelling. Par contre, avec une photo en gros plan d’une fleur, l’intention du photographe sera plutôt de faire du beau ou de l’instructif.
En photo de mariage, on fait souvent les 2 (alternativement, mais quand c’est en même temps c’est encore mieux!). Il faut capturer toutes les histoires qui se déroulent durant la journée, mais aussi faire de jolies photos simplement artistiques. Les mariés choisiront leur photographe aussi en fonction de la proportion laissées à l’un ou l’autre. D’où l’intérêt pour eux de savoir prêter un peu d’attention au storytelling.
Le storytelling et le spectateur
Comme une photo fige un moment précis, on ne sait pas ce qui s’est passé avant ou après. En intégrant du storytelling, le spectateur peut comprendre ce qu’il se passe sans connaître ces avants et après. Un bon storytelling incitera à vouloir les deviner parce que les fondations de l’histoire seront bien posées. Or, lorsque le spectateur essaye d’imaginer le contexte, il s’investit dans l’image. Et parce qu’il s’est impliqué dans sa compréhension, elle laissera sur lui un plus grand impact qu’une photo simplement jolie.
Mais à une époque où nous sommes constamment bombardés d’images rapidement consommées, le storytelling peut apparaître comme une complexification qui va rebuter le spectateur. Il devra en effet passer un peu plus de temps à contempler l’image pour en découvrir toute la saveur et trouver les petits détails qui font l’histoire. Cela lui demande plus d’effort.
Prenez mon grand classique en mariage : l’invité en train de rire. Au lieu de cadrer serré sur une personne riant on ne sait pas trop pourquoi, j’intègre dans le cadre la personne qui le fait rire. Souvent cette dernière n’est que suggérée grâce à un bout d’épaule par exemple, mais suffisamment reconnaissable pour que le cerveau du spectateur puisse avoir une histoire complète : la personne qu’on devine fait rire celle qui est le sujet de la photo. L’histoire est extrêmement simple, se comprend vite et est complète.
A l’inverse, lorsqu’il y a plusieurs personnes ou groupes de personnes sur l’image, il peuvent interagir entre eux. Ils créent ainsi une ou plusieurs scénettes qui se répondent, se complètent, se contredisent, se répètent… et créent une ou plusieurs histoires. C’est là que l’œil du photographe est important car il doit choisir quels éléments montrer et comment les mettre en valeur pour que, ensuite, l’œil du spectateur ne soit pas trop perdu et passe à côté de l’histoire.
Le storytelling et le photographe
Travailler cette technique est particulièrement adaptée pour la photo documentaire (documenter un événement comme un mariage, ou tout simplement des scènes de vie ou de rue) parce que c’en est l’objet même.
En tournant autour de son sujet et en changeant son point de vu, le photographe trouvera d’autres choses parfois étonnantes à intégrer à l’histoire. Il pourra guider le regard du spectateur en s’aidant des grands principes de la photo. La règle des tiers et son affranchissement, le nombre d’or. Les contrastes. Les lignes de fuites. La mise au point et la profondeur de champ. Les couleurs complémentaires ou opposées. Le noir et blanc pour écarter les couleurs qui perturbent la lecture… Rien de bien sorcier, et souvent c’est fait instinctivement. Mais il y a une grande part de choix qui sera inhérente à chaque photographe. Choisira-t-il de montrer une histoire ou plusieurs cote à cote, voire même un élément abstrait qui suggère l’histoire?
C’est au final très subjectif et instinctif. La qualité du storytelling d’une image dépendra bien sûr aussi des affinités du photographe, mais aussi de celles du spectateur… Et lorsque tous deux font l’effort d’aiguiser leur regard dans cette direction, je vous garantie que les histoires racontées seront pleines de vie et de surprise.
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